vous êtes ici : accueil > Thématiques > Bolkestein

Vos outils
  • Diminuer la taille du texte
  • Agmenter la taille du texte
  • Envoyer le lien à un ami
  • Imprimer le texte

Bolkestein, réponse de Gérard ONESTA

A la suite de notre courriel relatif au projet de directive Bolkestein, nous publions, avec son accord, la réponse de Gérard ONESTA, au nom de l’ensemble des députés Verts français européens :

Bonjour,

Monsieur Onesta a bien pris connaissance de votre message, et vous en remercie. Ci-joint une note ci-dessous faisant état de la situation, et récapitulant le travail des Verts sur le sujet. Vous trouverez aussi un grand nombre de renseignements sur le site http://verts-europe-sinople.net/

Je reste à votre disposition pour tout renseignement supplémentaire,

Respectueusement,
Mana LIVARDJANI, Assistante de Gérard ONESTA,

1/ ETAT DES LIEUX

Le projet de directive sur les services dans le marché intérieur, ou directive « Bolkestein », a été présenté par la Commission européenne en janvier 2004. Il vise à réaliser un marché intérieur européen pour les services, en éliminant les barrières légales et administratives entre Etats membres et en facilitant la circulation des travailleurs.

La directive concerne toutes les activités professionnelles qui constituent un service, à l’exception des services pour lesquels il existe déjà des initiatives spécifiques. Elle couvre ainsi tous les services fournis aux consommateurs et aux entreprises, sauf les services fournis directement et gratuitement par les pouvoirs publics (police, justice, armée). Les services publics, comme la santé, la culture, l’éducation, les médias audiovisuels, et les services des pouvoirs locaux sont donc tous concernés.

La directive vise à introduire une simplification administrative et supprime les autorisations jusqu’alors requises pour certaines activités. Elle instaure le principe du pays d’origine : les entreprises et prestataires de services ne seraient plus soumis aux dispositions réglementaires (normes sociales, environnementales, etc.) du pays où ils opèrent, mais à celles de leur pays d’origine (où se trouve leur siège social), sauf pour certains éléments du droit du travail.

2/ REPERES CHRONOLOGIQUES

 Décembre 2000 : La Commission définit « Une stratégie pour le Marché intérieur des services ».
 Octobre 2003 : Le Conseil européen invite la Commission à présenter les nouvelles propositions pour achever le marché intérieur.
 Janvier 2004 : la Commission présente son projet de directive relative aux services dans le Marché intérieur.
 Novembre 2004 : La présidence néerlandaise organise un débat d’orientation sur le projet de directive au Conseil Compétitivité (groupe de travail du Conseil européen). Bien qu’il rencontre beaucoup de résistances, le principe du pays d’origine recueille malgré tout le soutien de la majorité des ministres.
 Décembre 2004 : A l’occasion du Conseil Compétitivité, la France estime que « le principe du pays d’origine est un élément essentiel pour aller de l’avant ».
 Janvier 2004 : La présidence luxembourgeoise de l’UE décide de réexaminer l’ensemble du projet.
 Février 2005 : Le gouvernement français trouve aujourd’hui « inacceptable » le projet de directive qu’il jugeait encore « globalement positif » en décembre dernier. Chirac et Raffarin demandent désormais une « remise à plat » de la directive. La Commission européenne reconnaît que la directive n’a pas été suffisamment réfléchie. José Manuel Barroso appelle à travailler à une proposition équilibrée et reconnaît l’importance des services d’intérêt général.
 Mars 2005 : Quelle sera la position de la France au prochain Conseil Compétitivité de l’UE sur le projet de directive ?

La directive est maintenant soumise pour co-décision au Parlement européen et au Conseil. Ceux-ci doivent statuer sur la question d’ici la fin de l’année 2005 (pour une transposition prévue à l’horizon 2007), mais il est peu probable que ces délais très courts puissent être respectés.

3/ LES TERMES DU DEBAT

Si l’objectif de la directive (améliorer la circulation des services dans un marché intérieur européen libre) est partagé par une majorité d’acteurs, les moyens proposés sont controversés.
 Un texte flou, en contradiction avec les traités communautaires
Ce texte au vocabulaire imprécis ouvre la porte à de multiples interprétations. De plus, il s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de Justice Européenne pour empiéter sur le domaine de compétences réservées aux Etats, pourtant garanti par les traités.
 Vers une libéralisation des services

La stratégie de Lisbonne repose sur 3 piliers : les réformes économiques, les affaires sociales (l’emploi et la cohésion sociale) et l’environnement. Or, seule la dimension économique est prise en compte et s’attache en priorité à libéraliser les services. En cela, la directive s’inscrit dans la tendance amorcée par l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) dont elle partage les principes.
 La remise en cause des pouvoirs publics régionaux et locaux

o Si la simplification des démarches administratives est positive en soi, la directive méconnaît les mécanismes d’organisation des systèmes de solidarité et de protection sociale des Etats membres et le fait qu’ils aient été progressivement décentralisés pour être plus près des citoyens et des opérateurs. La directive fait abstraction des réalités constitutionnelles et risque ainsi de supprimer des éléments importants de l’autonomie locale et régionale, notamment dans les pays fédéraux.

o La directive octroie à la Commission un pouvoir de contrôle sur les Etats membres et les pouvoirs locaux. Ceux-ci devront soumettre à la Commission les dispositions législatives, réglementaires et administratives qu’ils souhaitent prendre et qui peuvent affecter la liberté d’établissement et de circulation des services.
 La remise en cause des droits sociaux

La proposition de directive est déposée au moment où l’élargissement provoque de très fortes disparités au sein de l’Union européenne (UE). Avec le principe du pays d’origine, les prestataires de services peuvent être tentés d’établir leur siège dans les nouveaux ??tats membres où les législations fiscales, sociales et environnementales sont les moins exigeantes. Les entreprises sont certes tenues par cette directive de respecter les garanties minimums contenues dans le droit du travail du pays dans lequel elles proposent leurs services. Cependant il est très difficile de contrôler qu’elles appliquent la législation sociale, puisque le pays d’accueil ne peut pas demander au nouveau prestataire de se soumettre à l’enregistrement ni de lui fournir les informations sociales. Les acquis sociaux, plus avantageux dans certains pays d’accueil, peuvent ainsi être facilement ignorés par le prestataire de services.
 La remise en cause des règles de protection des consommateurs/usagers

Les “obstacles” à l’établissement et à la libre circulation des services, visés par la directive, ne sont pas tous négatifs. Certains offrent une certaine protection aux consommateurs. Or, avec le principe du pays d’origine, « le comportement du prestataire, la qualité ou le contenu du service, la publicité, les contrats et la responsabilité du prestataire » sont exclusivement régis par le pays d’origine. Les règles de protection des consommateurs du pays de destination (pays du consommateur) ne sont donc pas d’application, ce qui peut être source d’insécurité juridique et de recul en matière de protection, puisqu’il n’existe pas d’harmonisation des normes minimums de sécurité.
 La remise en cause des services publics : la marchandisation de la santé

o La directive sur les services est déposée en l’absence de toute directive-cadre sur les services d’intérêt général. Cette directive ne fait aucune distinction entre un service d’intérêt général, un service économique ou un service non-économique, ce qui les soumet tous aux lois de la concurrence et du profit.

o La directive n’exclut ni la santé, ni la sécurité sociale de son champ d’application, alors que la santé relève de la compétence des ??tats membres. La Commission s’arroge des pouvoirs de réglementation des systèmes de sécurité sociale en supprimant les instruments qui permettent aux ??tats membres de planifier l’offre, fixer les prix, réglementer l’accès aux professions de santé et l’installation de structures de soins.
 Une directive peu réaliste : quel fonctionnement pratique ?

Le principe du pays d’origine paraît bien difficile à mettre en ??uvre. Le pays d’accueil est en effet le seul ??tat qui a un intérêt direct à contrôler le respect des législations sociales et qui peut vérifier l’exactitude des informations fournies sur place. L’ ??tat membre d’origine a peu de moyens de contrôle sur le prestataire de services qui se trouve à l’extérieur de son territoire. Si la directive demande que les ??tats se prêtent assistance mutuelle, elle ne garantit pas un système effectif et efficace de coopération entre eux, ni l’accès aux informations nécessaires à la protection des consommateurs et des travailleurs.

4/ LA POSITION DES VERTS

Les Verts estiment, qu’en l’état la directive doit être retirée, ou du moins fortement modifiée. En l’absence d’harmoni¬sation des règles de protection des consommateurs et des législations sociales et environnementales, le principe du pays d’origine ne doit pas être introduit. Jean-Luc Bennahmias, eurodéputé Vert français, membre de la Commission emploi, Affaires sociales note que « cette directive est plus que critiquable, elle constitue un encouragement à la délocalisation et à la concurrence dans les services publics et sociaux restés jusqu’à présent à l’écart des directives sectorielles européennes de libéralisation. (...) Au Parlement européen, notre groupe politique demande, afin de consolider l’Europe des citoyens, qu’un texte législatif sur les services d’intérêts généraux soit proposé, garantissant de vrais services publics, au bénéfice de tous les citoyens européens ».

Frits Bolkestein

La directive sur les services dans le marché intérieur porte aussi le nom de Bolkestein, commissaire néerlandais en charge du Marché intérieur entre 1999 et 2004.

Ancien leader du parti libéral de son pays, Frits Bolkestein est connu pour ses positions ultra-libérales et ses critiques contre l’islam et l’immigration. Lui qui souhaite que l’Europe devienne l’économie la plus compétitive du monde rappelle que, pour remplir cet objectif, « nous devrons quitter le confort du modèle rhénan pour glisser vers le climat plus dur et plus froid du capitalisme anglo-saxon où les efforts sont mieux récompensés mais aussi les risques plus grands ».

Pour lui, les difficultés économiques de l’Union européenne doivent d’ailleurs être en grande partie imputées à la France et à l’Allemagne, qui ne sont toujours pas entrées dans le XXIe siècle.

Avant de quitter la Commission, M. Bolkestein a conseillé à M. Barroso d’énoncer des « vérités élémentaires », comme « l’Europe ne sera jamais une fédération ». Il s’est également exprimé contre l’adhésion de la Turquie, car, autrement la victoire de Vienne en 1683 (quand les Ottomans ont été battus) aura été vaine, et l’Europe sera condamnée à imploser sous l’influence de l’Islam. D’ailleurs, selon lui, sous le poids de l’immigration, l’Europe est déjà en train de devenir « un empire austro-hongrois à grande échelle ».

Article publié le 6 octobre 2005.


Politique de confidentialité. Site réalisé en interne et propulsé par SPIP.